Le débat sur la création d’emplois pour les jeunes en Afrique n’est pas nouveau. Mais ce qui change aujourd’hui, c’est l’urgence. Le rythme des transformations économiques est trop lent par rapport à la dynamique démographique du continent. Et à mesure que les attentes de la jeunesse s’expriment avec plus de force, la pression sur les gouvernements, les institutions et les acteurs privés devient inévitable.
Chaque année, plus de 12 millions de jeunes Africains arrivent sur le marché du travail, pour à peine 10 à 15 % d’offres d’emplois formels disponibles, selon la Banque mondiale. Le reste se tourne vers l’économie informelle, les petits boulots précaires, ou reste au chômage.
Ce déséquilibre structurel n’est pas seulement conjoncturel. Il reflète une combinaison de faiblesses : une faible transformation industrielle, une dépendance excessive aux matières premières, un sous-investissement chronique dans l’agriculture et un système éducatif souvent déconnecté des besoins économiques.
Un autre maillon essentiel reste sous-exploité : les petites et moyennes entreprises (PME). Bien qu’elles contribuent à au moins 60 %, et souvent jusqu’à 80 % ou plus de l’emploi à travers l’Afrique, elles restent encore peu prises en compte dans les politiques publiques. Faiblement structurées, généralement informelles, elles font face à d’importants obstacles, notamment un accès limité au financement, fiscalité inadaptée, manque d’accompagnement technique, faible intégration dans les chaînes de valeur locales et régionales.
Or, ce sont précisément ces entreprises qui ont le plus fort potentiel pour absorber la jeunesse active, surtout dans les secteurs de l’agroalimentaire, du bâtiment, des services, du commerce et du numérique. Soutenir durablement les PME ne relève donc pas simplement d’une logique de croissance, mais d’un impératif stratégique pour l’inclusion sociale et la stabilité économique. Cela suppose une reconnaissance claire de leur rôle, des dispositifs ciblés et une meilleure articulation entre politiques industrielles, fiscales et éducatives.
La fausse évidence de l’entrepreneuriat jeunesse
Face à l’impossibilité d’absorber tous ces jeunes dans le salariat classique, l’entrepreneuriat est présenté comme une solution miracle. Mais dans les faits, il est souvent une solution par défaut. La majorité des jeunes entrepreneurs opèrent dans des conditions précaires, sans accès au crédit, à la formation, ni à des marchés stables. Très peu parviennent à faire croître leur activité au-delà du stade de subsistance. L’entrepreneuriat peut créer des emplois – mais à condition d’être intégré dans un écosystème favorable : fiscalité adaptée, accompagnement sur le long terme, partenariats public-privé, soutien à l’innovation, renforcement des chaînes de valeur locales.

L’enjeu fondamental est celui de la transformation productive. Tant que les économies africaines resteront faiblement industrialisées, peu intégrées et peu compétitives, les créations d’emplois de qualité resteront marginales. Il faut investir dans les secteurs à fort potentiel de création d’emplois, notamment l’agro-industrie, l’industrie légère, les services numériques, l’IA, les énergies renouvelables, l’économie circulaire, etc. Le continent dispose de ressources naturelles et humaines exceptionnelles. Ce qu’il lui faut désormais, ce sont des politiques industrielles volontaristes, cohérentes et de long terme.
Le lien entre formation et employabilité doit être repensé. De nombreux jeunes Africains sont diplômés, mais inemployables. Ce paradoxe découle d’un système éducatif trop théorique et peu aligné sur les réalités du marché. Les pays qui réussiront seront ceux qui investiront massivement dans l’enseignement technique, les filières courtes professionnalisantes, l’apprentissage en entreprise et la formation continue.
Un risque économique, mais aussi politique
Le chômage des jeunes n’est pas qu’un problème social. C’est une bombe politique à retardement. Il alimente l’instabilité, les migrations irrégulières, l’économie informelle, voire les mouvements radicaux. Aucun agenda de croissance ne tiendra sans inclusion. Aucun régime ne sera stable sans perspectives crédibles offertes à sa jeunesse.
La jeunesse africaine n’est pas un fardeau, mais une opportunité unique. À condition d’en faire une priorité nationale et continentale, non pas dans les discours, mais dans les actes. Cela implique des choix difficiles, des réformes structurelles et un changement de paradigme dans les politiques publiques.
La création d’emplois pour les jeunes en Afrique doit cesser d’être un problème conjoncturel. Il doit devenir le cœur d’un nouveau contrat social entre les États, le secteur privé et la jeunesse. Car l’Afrique ne pourra réussir qu’en embarquant toute sa jeunesse dans le projet de développement.
Take-away : 4 leviers pour créer massivement de l’emploi pour les jeunes en Afrique
- Transformer les économies : Miser sur des secteurs à forte intensité d’emploi (agro-industrie, numérique, énergies renouvelables) et accélérer l’industrialisation pour créer des opportunités à grande échelle.
- Renforcer le tissu des PME : Intégrer pleinement les petites et moyennes entreprises dans les politiques publiques, faciliter leur accès au financement, aux marchés et à la formation pour qu’elles deviennent de véritables moteurs d’emplois durables.
- Former autrement : Réformer les systèmes éducatifs pour les aligner sur les besoins du marché, développer les filières techniques et professionnalisantes, et promouvoir l’apprentissage par la pratique.
- Faire de l’emploi une priorité politique : Placer la création d’emplois des jeunes au centre des politiques économiques, en mobilisant les États, le secteur privé et les partenaires techniques autour d’une vision commune.